Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/143

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Et mon invité part, de bonne heure, prétextant que je dois avoir besoin de sommeil.

La nuit… les rideaux de velours violet m’enveloppent de leur somptueux catafalque. La lampe, mise en veilleuse par Francine, donne une lumière qu’on s’attend à voir mourir d’une minute à l’autre. Tout est sombre. Sirloup dort, au pied du portrait, le nez entre les pattes. Il ne songe plus à la chatte des concierges rôdant autour des nids. Je fume. Le mince filet de fumée, comme un encens, monte vers la femme aux bras tordus en arrière et qui rit, qui rit follement de me revoir prostré devant le disque éclatant de son ventre. Où irais-je encore pour la fuir ? À quels excès me faudra-t-il encore me condamner ? Il serait peut-être plus simple de chercher à la rejoindre. Existe-t-elle encore ? Boreuil a raison. Je l’ai peut-être inventée et si je la rencontrais, la reconnaîtrais-je ? N’ai-je pas dépassé, maintenant, la limite du possible amour ? La nature et l’amour ont horreur du vide ! Avec les vagues données que je possède sur sa situation sociale, que puis-je espérer ? Durant trois ans, je l’ai retrouvée, l’hiver, dans un appartement très quelconque, loué tout meublé. Elle revenait là pour des raisons de famille, vivant séparée de son mari, un M. Vallier, propriétaire d’un haras en pro-