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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/15

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quelques jolies femmes d’après nature. Il m’en était reconnaissant et n’aurait jamais ose me réclamer l’argent emprunté jadis, puisque j’étais devenu un nouveau riche. Il me félicitait de ma bonne mine, de mes yeux jeunes, de mes habits bien coupés. Je n’avais pas mon pareil pour séduire les gens : « Des vieux gamins comme vous, on n’en fait plus ! » Ce qui l’étonnait, le scandalisait presque, c’était mon ton détaché pour lui rendre la somme que je pouvais ne pas lui rendre. Aujourd’hui, le chacun pour soi est tellement la règle de conduite que l’on arrange, ou estropie, des lois afin de canaliser les mauvaises pentes : on codifie l’égoïsme.

D’ailleurs, il ne faut pas m’en savoir gré. Moi je rends l’argent comme je rendrais l’âme, si j’en avais une, car je n’y tiens pas. Autant de chiffons de papiers ! Ça ne me gêne pas d’être courageux ou correct, aux sens anciens des vocables. Je n’ai pas été élevé par le système D. Mes parents n’ont jamais rien volé à personne, ayant vécu très en dehors de tout commerce guerrier, là-bas, fort loin, dans le midi. (Ils n’ont pas vécu de la guerre, mais ils en sont morts tout de même !) J’ignore l’art du calcul et, si je l’étudiais, ça m’ennuierait d’apprendre pourquoi on est ou n’est pas honnête.

Ma droiture personnelle est une attitude