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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/199

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fuite éperdue en auto. Pour où ? Les voyages sont, en certaines circonstances, de tels arrachements qu’ils ressemblent aux opérations chirurgicales. Si on n’en meurt pas, on est soulagé, mais c’est une chance à courir.

Bouchette n’est pas revenue. Elle ne reviendra jamais, je le sens.

Pauline Vallier s’est sauvée, l’autre jour, sous le cinglement d’une insulte que les femmes prudes ne peuvent guère pardonner.

Et c’est pourtant celle-là que j’attends, c’est plus fort que moi. Je la devine, je la vois encore à Paris restée pour mettre de l’ordre dans ses affaires, courant les grands magasins, se risquant jusqu’au théâtre sérieux, se reprenant à la vie parisienne et la revivant à l’envers pendant que les vrais Parisiens s’en vont. Avec qui se promène-t-elle ? Tant que je me l’imaginerai respirant le même air que moi, je ne pourrai pas changer d’air.

Je travaille, c’est-à-dire que je m’efforce de me distraire. Je m’occupe d’une jeune Muse en service commandé sur un monument aux morts et je tâche de lui dessiner un geste naturel. Ça ne vient pas, car je la crée sans modèle. Tous les modèles me dégoûtent. Je pense de plus en plus à la femme en deuil, ce travesti funèbre de ma passion de jadis. Ce qu’elle m’a lancé à la tête, durant