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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/224

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bonnes heures, à nous, pauvres chiens que nous sommes !

La toile, en face de moi, est une chose bizarre, un monstre sans nom connu dans les annales de la peinture, au moins à mon humble avis. Carlos Véra déclarerait que c’est : du jus de taupe, tout en louant le dessin des dessous. On a tiré des plis sur ce corps blanc, déjà brisé aux jambes par des hachures sous lesquelles il faut que je retrouve les belles lignes effacées. L’astre du ventre ne rayonne plus. La robe est une création de mon personnel atelier qui ferait sourire Bouchette ; une tunique plate, fort courte, bordée de jais, que juponne une longue frange de soie noire laissant à ces jambes toute leur liberté de… libertines. Gantées de Chantilly, elles m’ont donné un mal terrible à suivre, du bout de mon pinceau, inexpert à ces sortes de fioritures, les méandres de la dentelle qui les enveloppe. Le plus regrettable, c’est que j’ai fini par m’amuser de ce va-et-vient de franges s’écartant à propos pour laisser voir, juste au moment psychologique, la courbe d’un mollet ou la finesse d’une cheville. Ce qui est navrant, sous tous les rapports, c’est qu’on devine aussi la lascivité du corps, jadis nu, dans le sournois revêtement de cette robe-chemise. Je n’ai jamais consenti à ces exercices-là et j’y réus-