Aller au contenu

Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Moi je traverse une crise de folie. C’est moi qui devrais avoir l’air enragé tandis que toi on t’accuse, à tort, de le devenir, sous prétexte que tu as bouleversé, en grattant, tous les semis domestiques. Mon cher toutou, elle ne m’aime plus. Je crois que si on lui demandait de choisir entre toi et moi pour l’accompagner dans la rue, à pied ou en voiture, elle choisirait le chien parce qu’il est décoratif, selon l’expression coutumière. Suis-je décoratif comme suiveur ? Non, puisque je m’entête à ne pas me faire décorer. Son mari devait l’être et son futur le sera également… La décoration, ça se porte encore, en province. Ce qui est très curieux, c’est qu’elle n’attache aucune importance aux choses de ce monde. Elle ne conserve que le respect de leurs apparences. Je commence à la croire atteinte de la maladie du néant, d’un néant décoratif, un drap mortuaire semé de jolies larmes d’argent, ponctuation nécessaire à la page où il n’y a plus rien, mais, comme dirait notre cuisinière, ça fait plus riche ! La vie n’a plus de prise sur ce corps envoûté, endormi. Elle porte son mari défunt comme un enfant dont elle n’accouchera jamais… Nous ignorons la fin de l’histoire, catastrophe ou épousailles régénératrices. Le mieux est de se contenter du peu que nous possédons, ce qui nous procure encore de