Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/246

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décombres d’une existence secrète que j’ai dévastée moi-même. Or, je ne souffre plus. Seule, cette perte du chien me semble intolérable depuis mon retour parce que j’ai le loisir de penser. Le roulement de ma voiture m’a tenu lieu de jazz-band pour extérioriser mes supplices, les vaporiser au vent de la course, mais ne vont-ils pas reprendre leur lancinante acuité au milieu de ce repos total, de ce silence de cimetière, puisque mon jardin en est devenu un, recèle la victime d’un crime ignoré dont le mystère, le miracle, m’accable ?

Il est très curieux de constater combien un souvenir peut être à la fois féroce et puéril. Aurais-je regretté cette femme énigmatique comme je regrette mon pauvre Sirloup ?

En m’interrogeant sérieusement, minutieusement, en juge d’instruction qui recherche la culpabilité dans les moindres mobiles, je ne le crois pas. Chose singulière, je l’ai tuée elle-même plus sûrement en tuant Sirloup à sa place, parce que l’intention domine certainement le fait.

Près d’un an de bruits et de mouvements plus ou moins désordonnés à travers des pays neufs, dans les palaces ou les auberges, n’ont pas effacé la silhouette du grand animal dressé par l’horreur et la stupeur devant