Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/26

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dir. L’essentiel est d’oublier une heure, un jour, un mois, qui sait, pour toujours. Et puis, il y a le miracle. Des natures singulièrement fatalistes comme la mienne ne se persuadent pas, à moins d’un miracle, de la nécessité de déranger leur cerveau. J’ai interrogé mentalement cette femme et elle a répondu. Je ne veux pas rire de cette banale réponse, car elle est l’indice du premier envoûtement, d’un très naïf envoûtement. Elle cherche réellement cette Société du Gaz, c’est idiot, et elle l’avoue au passant qui, lui, cherche tout autre chose.

Donc, il y a sur la terre, où tout s’abolit, dans cette rue, sur ce boulevard grouillant, vibrant, hurlant, un pays silencieux, immense, un infini qui s’étale, magiquement déroulé autour d’un homme et d’une femme en présence, chasseur et gibier arrêtés l’un par l’autre, le premier peut-être déjà vaincu par le second. Des aventures, souvent très belles, ne débutent pas mieux.

Elle passe vivement sur le boulevard Raspail et je la perds de vue, parce qu’elle remonte pendant que je descends. Je continue mon chemin, suis la rue de Vaugirard qui me ramène vers mon logis. Pile ou face ! Il me faut deux miracles. Je jette ma chance en l’air ! Si cette femme, qui vient de quitter ma route pour aller chercher cette Société du