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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/35

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Une femme rencontrée dans la rue, pauvrement habillée, se décide à déclarer qu’elle n’est d’aucun monde et qu’elle ne descend pas d’un prince russe !

— Moi, voyez-vous, monsieur, je ne fais pas la grimace : je suis née chez un marchand de vin. Mon père était toujours ivre, rapport à son métier d’empoisonneur, et ma mère ne m’aimait pas, elle préférait mon frère. Je ne suis pas très instruite. J’ai appris ce que j’ai pu. Ab ! j’aurais bien aimé passer mon temps à lire ! Dès que je revenais de l’école, on me forçait à laver la vaisselle ! Je ne suis pas paresseuse. mais j’ai les cuisines sales en horreur. J’aime la propreté, j’aime l’ordre. J’aime aussi gagner ma vie et ne rien devoir à personne. Je me suis mise dans la couture, les raccommodages, les remaillages, les franges de perles, puis les fleurs de soie que je pose sur des blouses ou des robes. C’est la pleine mode, en ce moment, ça rend bien. C’est de la broderie. Vous savez ce que c’est, hein, la broderie ?

— À peu près… puisque je dessine.

— Pour aller vite, dans cette partie-là, il ne faut pas avoir des envies aux doigts et garder ses ongles bien lisses. Alors je porte toujours des gants pour conserver mes mains. Quand on accroche les soies, c’est rageant, on gâche tout. Moi, j’ai des nerfs, ça