Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/36

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me remplit la bouche de salive de me casser un ongle.

Je remarque, non sans étonnement, que cette petite créature, sortie du peuple, née chez un marchand de vin, n’use d’aucun vocable en honneur chez les romanciers réalistes. Elle s’exprime simplement et semble éviter avec soin les formules crapuleuses de notre argot moderne. Elle est plus proche de l’étourderie de l’enfance que de la vulgarité. C’est la petite fille à la merci du hasard.

— Et le mari ? Parlez-moi du mari, jolie madame nerveuse.

Elle tourne la tête, a un moment d’embarras. ses joues prennent feu :

— C’est vrai… je vous ai dit que j’avais un mari. J’aurais mieux fait de ne pas vous le dire, puisque vous n’y croyez pas. Il est dans la représentation. Je l’ai connu quand je suis entrée en atelier. Il va tantôt ci, tantôt là. Une semaine en province et une semaine à Paris. On ne sait jamais. Dans le commerce, quand on s’associe, qu’on s’entend, on finit toujours par s’établir. Moi, je n’ai pas assez d’instruction pour diriger une maison, mais lui, il est très capable…

Je coupe, un peu impatienté :

— Vous l’aimez ? Quel âge a-t-il ?

Elle me regarde, interdite :

— Pas la peine de vous fâcher. Pour la