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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/56

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J’entre là, les yeux baissés. J’ai peur de recevoir le choc de cette image blanche. Il fait bon ici ; cela embaume la verveine, l’odeur brûlante sort d’une tasse de Sèvres, une bien vieille tasse où ma mère, mourante, a bu ses dernières tisanes, et où, moi, je viens puiser le très amer plaisir de ma vie solitaire. Un mince filet de vapeur se dresse vers l’idole comme bientôt ondulera l’encens de mes cigarettes.

— Me voici ! Je suis encore le même. Me reconnais-tu ?

L’idole sourit de plus en plus. Elle sourit toujours. Je l’ai voulue ainsi. Est-ce que de mon côté, je ne me montre pas toujours gai ?

Au milieu de la serre, au sol de terre battue, il y a un tronc d’arbre, le tronc d’un arbre qui fut jadis bien vivant (le frère des trois autres) et au printemps plein de nids. Le caprice de celui qui bâtit la salle ronde l’a laissé là, le fit enclore sans le couper. Pardessus le toit, il put continuer à se développer normalement, mais il a dépéri, s’est desséché, a fini par crever de consomption de se sentir dans la demeure des humains. Il a fallu lui couper la tête et reboucher le trou de ce toit qui lui formait comme un carcan de cristal. Maintenant momifié, énorme morceau d’amadou, il pousse d’étranges végéta-