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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/57

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tions sur son écorce de vieux platane, tantôt couleur de jade, tantôt couleur de rouille, de minuscules champignons satinés, des lichens d’argent, des excroissances ayant on ne sait quoi de visqueux, tenant à la fois de l’éponge et du coquillage.

Adossé à ce corps d’arbre mort, décapité, encore luisant de toute sa sève répandue, il y a un chevalet soutenant le portrait d’une femme. Un portrait ? Moi seul peut le savoir ! Pour les amateurs, les critiques ou le public, ce fut simplement une étude de nu, la meilleure de mes œuvres, paraît-il.

Je lui tourne le dos, brusquement agacé par le terrible et immuable sourire. Vraiment, ne se moque-t-elle pas de moi, l’idole ?

En face d’elle, un divan de velours violet où ma place est creusée depuis le temps que je viens ici m’asseoir, m’étendre tellement fatigué. lassé d’essayer de revivre. Près de moi, la table en X sur laquelle fume, chaque soir, l’infusion du malade, la bourgeoise infusion du vieux garçon maniaque… ou le pervers breuvage de ses enchantements.

Une lampe-veilleuse, coiffée d’un abat-jour d’orchidées de gaze mauve et jaune, éclaire à peine ma peine de me retrouver là, plus las, plus fatigué que jamais. Chez moi, j’ai le siècle de cet arbre décapité, tous les siècles de ma maison, et dans la rue, j’ai