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ACTE II, SCÈNE I.

455Contre un amant qui plaît pourquoi tant de fierté[1] ?

HERMIONE.

Hélas ! pour mon malheur, je l’ai trop écouté.
Je n’ai point du silence affecté le mystère :
Je croyois sans péril pouvoir être sincère ;
Et sans armer mes yeux d’un moment de rigueur,
460Je n’ai pour lui parler consulté que mon cœur.
Et qui ne se seroit comme moi déclarée
Sur la foi d’une amour si saintement jurée ?
Me voyoit-il de l’œil qu’il me voit aujourd’hui ?
Tu t’en souviens encor, tout conspiroit pour lui :
465Ma famille vengée, et les Grecs dans la joie,
Nos vaisseaux tout chargés des dépouilles de Troie,
Les exploits de son père effacés par les siens,
Ses feux que je croyois plus ardents que les miens,
Mon cœur, toi-même enfin de sa gloire éblouie,
470 Avant qu’il me trahît, vous m’avez tous trahie.
Mais c’en est trop, Cléone, et quel que soit Pyrrhus,
Hermione est sensible, Oreste a des vertus.
Il sait aimer du moins, et même sans qu’on l’aime ;
Et peut-être il saura se faire aimer lui-même.
Allons : qu’il vienne enfin.

CLÉONE.

475Allons : qu’il vienne enfin.Madame, le voici.

HERMIONE.

Ah ! je ne croyois pas qu’il fût si près d’ici.

  1. Var. Pourquoi tant de froideurs ? Pourquoi cette fierté ? (1668 et 73)