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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/265

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Et qui, ſi je t’en crois, a de ſes derniers jours
Trop lents pour ſes deſſeins precipité le cours ?

NARCISSE.

N’importe. Elle ſe ſent comme vous outragée.
A vous donner Junie elle s’eſt engagée.
Uniſſez vos chagrins. Liez vos intereſts.
Ce Palais retentit en vain de vos regrets.
Tant que l’on vous verra d’une voix ſuppliante,
Semer icy la plainte, & non pas l’épouvante,
Que vos reſſentimens ſe perdrõt en diſcours,
Il n’en faut point douter, vous vous plaindrez toûjours.

BRITANNICUS.

Ah, Narciſſe ! tu ſçais ſi de la ſervitude
Je pretens faire encore une longue habitude.
Tu ſçais ſi pour jamais de ma chûte étonné
Je renonce aux grandeurs, où j’étois deſtiné.
Mais je ſuis ſeul encor. Les amis de mon Pere
Sont autant d’inconnus qu’écarte ma miſere.
Et ma jeuneſſe meſme éloigne loin de moy
Tous ceux qui dans le cœur me reſervent leur foy.

Pour moy, depuis un an, qu’un peu d’experiance
M’a donné de mon ſort la triſte connoiſſance,
Que vois-je autour de moy, que des Amis vendus
Qui ſont de tous mes pas les témoins aſſidus ?
Qui choiſis par Neron pour ce commerce infame,
Trafiquent avec luy des ſecrets de mon ame ?
Quoy qu’il en ſoit, Narciſſe, on me vend tous les jours.
Il prevoit mes deſſeins, il entend mes diſcours.
Comme toy dans mon cœur, il ſçait ce qui ſe paſſe.
Que t’en ſemble Narciſſe ?

NARCISSE.

Ah ! Quelle ame aſſez baſſe…
C’eſt à vous de choiſir des Confidens diſcrets,
Seigneur, & de ne pas prodiguer vos ſecrets.