Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/275

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Les avez-vous receus pour les enſevelir ?
L’heureux Britannicus verra-t-il ſans allarmes
Croître loin de nos yeux ſon amour & vos charmes ?
Pourquoy de cette gloire exclus juſqu’à ce jour,
M’avez-vous ſans pitié relegué dans ma Cour ?
On dit plus. Vous ſouffrez ſans en eſtre offenſée
Qu’il vous oſe, Madame, expliquer ſa penſée.
Car je ne croiray point que ſans me conſulter
La ſevere Junie ait voulu le flater,
Ny qu’elle ait conſenty d’aimer & d’eſtre aimée
Sans que j’en ſois inſtruit que par la Renommée.

JUNIE.

Je ne vous nieray point, Seigneur, que ſes ſoûpirs
M’ont daigné quelquefois expliquer ſes deſirs.
Il n’a point détourné ſes regards d’une Fille,
Seul reſte du débris d’une illuſtre Famille.
Peut-eſtre il ſe ſouvient qu’en un temps plus heureux
Son Pere me nomma pour l’objet de ſes vœux.
Il m’aime. Il obeït à l’Empereur ſon Pere,
Et j’oſe dire encore à vous, à voſtre Mere ;
Vos deſirs ſont toûjours ſi conformes aux ſiens…

NERON.

Ma Mere a ſes deſſeins, Madame, & j’ay les miens.
Ne parlons plus icy de Claude, & d’Agrippine.
Ce n’eſt point par leur choix que je me determine,
C’eſt à moy ſeul, Madame, à répondre de vous ;
Et je veux de ma main vous choiſir un Eſpoux.

JUNIE.

Ah, Seigneur, ſongez-vous que toute autre alliance
Fera honte aux Ceſars auteurs de ma naiſſance ?

NERON.

Non, Madame, l’Eſpoux dont je vous entretiens
Peut ſans honte aſſembler vos ayeux & les ſiens.
Vous pouvez, ſans rougir, conſentir à ſa flamme.