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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/82

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SCENE IV.

CREON, ATTALE.


ATTALE.

Attendez.
SOn couroux ſerait-il adoucy ?
Croyez-vous la fléchir ?

CREON.

Croyez-vous la fléchir ? Oüy oûy mon cher Attale,
Il n’eſt point de fortune à mon bon-heur égale,
Et tu vas voir en moy dans ce jour fortuné,
L’ambitieux au Troſne & l’amant couronné.
Je demandois au Ciel la Princeſſe & le Troſne,
Il me donne le Sceptre, & m’accorde Antigone.
Pour couronner ma teſte, & ma flamme en ce jour
Il arme en ma faveur & la haine & l’amour.
Il allume pour moy deux paſſions contraires,
Il attendrit la Sœur, il endurcit les Freres,
Il aigrit leur courroux, il fléchit ſa rigueur,
Et m’ouvre en meſme temps & leur troſne & ſon cœur.

ATTALE.

Il eſt vray, vous avez toute choſe proſpere,
Et vous ſeriez heureux ſi vous n’eſtiez point Pere.
L’ambition, l’amour n’ont rien à deſirer,
Mais Seigneur, la nature à beaucoup à pleurer.
En perdant vos deux Fils…

CREON.

En perdant vos deux Fils… Oüy, leur perte m’afflige,
Je ſçay ce que de moy le rang de Pere exige,