Page:Radiguet - Le Bal du comte d’Orgel, Grasset, 1924.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE BAL DU COMTE D’ORGEL

François, comme si elle eût été une vieille dame.

François souriait, restait, et se taisait.

Mme d’Orgel cousait. Quelquefois devant la torpeur heureuse de François, elle était tout à coup prise de crainte. Elle l’appelait. Elle agissait comme les enfants que le spectacle du calme effraye, qui pensent que si l’on ne bouge pas, ou que si l’on ferme les yeux, c’est qu’on est mort. Mais elle ne voulait pas convenir de son enfantillage et avait toujours une bonne raison. « Passez-moi cette pelote. — Voyez-vous mes ciseaux ? » Souvent, lorsque François lui passait l’objet demandé, leurs mains se frôlaient maladroitement.

Elle ne s’alarmait pas après ces longues journées. Elle se disait : « En face de lui je n’éprouve rien. » N’est-ce pas là une parfaite définition du bonheur ? Il en est du bonheur comme de la santé : on ne le constate pas.

Parfois, cet état de bien-être où bai-

— 144 —