Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/33

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tière et à leur génuflexions devant la statue ; après être resté deux heures sous le soleil, prisant et mâchant de la poussière, pour la simple satisfaction de voir des chevaux venir toucher barres à saint Éloi et nous tourner le dos, nous commençâmes à trouver un charme fort modéré à ce spectacle qui devait durer deux jours sans la moindre péripétie ; aussi nous parut-il convenable de rejoindre nos montures et de pousser jusqu’à Ploudaniel, dans le double but d’y déjeuner et de visiter, aux environs, un pays réputé excellent pour la chasse.

En quittant l’enclos de l’église, nous avisâmes un paysan qui s’occupait à loger un échantillon de sa chevelure entre les pierres déchaussées de la muraille, calfatée déjà en plusieurs endroits par de nombreux petits dépôts sordides de la même espèce. Nous sûmes plus tard que cette opération, accompagnée d’une patenôtre, est toute-puissante pour conjurer les maladies du cuir chevelu.


II

Nous partîmes ; les promesses de la matinée se réalisaient : il faisait un temps de Fête-Dieu, une de ces bienheureuses journées par lesquelles on sent tressaillir dans son cœur tout ce qu’il peut contenir encore de joie et de jeunesse ; l’azur du ciel faisait rêver de fleurs d’iris, de pervenches. Le cri strident du grillon sortait de l’herbe, les abeilles plongeaient bourdonnantes au calice rose des digitales, et l’alouette, perdue dans le ciel, gazouillait à plein gosier cette chanson dont s’est tant préoccupée la