Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/34

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poésie imitative. — La route de Saint-Éloi à Ploudaniel n’offre guère de distractions à celui qui la parcourt ; elle est bordée de fossés tout hérissés de landes et de ronces, ouverts de temps à autre sur des chemins à l’angle desquels se dresse une croix de pierre, sur des prairies mamelonnées de petits tas de foin et sur des champs où les légumes rayent de lignes vertes et parallèles le fond noir des terres labourées. En entrant à Ploudaniel nous rencontrâmes une noce de campagne qui se rendait à sa destination, biniou et bombarde en tête ; plusieurs couples se tenaient accrochés par le petit doigt, tous les conviés portaient à la boutonnière un nœud de faveurs roses et blanches. L’époux était radieux, et pourtant la mariée avait une de ces faces qu’on ne peut accepter pour humaine que par un sentiment de pure courtoisie. — Ploudaniel est un bourg d’une physionomie toute bretonne, en ce sens qu’il compte à peu près un cabaret par maison, comme l’indique le bouquet de lierre placé au front des façades. L’église ouvre sur le cimetière ses portiques d’un aspect assez agréable, et vis-à-vis s’élève un reliquaire de la renaissance, où les habitants ont, sans arrière-pensée, enchâssé leur mairie et leur conseil municipal. La population paraissait ce jour-là fort empressée autour d’un étalagiste qui vendait à la criée quelques ustensiles de ménage, des affiquets de toilette et des jouets. L’auvent de sa baraque était frangé de chapelets, de rubans lamés, de lacets roses et de grappes de boutons. Le rebut des fabriques de Quimper, cette faïence grossière diaprée de fleurs sans nom, ces pichets, ces écuelles, ces bénitiers de forme laide, étaient suspendus aux cloisons intérieures ; sur la table on voyait,