Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/39

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trèrent tout à coup semblables à des phares à éclats, au flanc et sur la crête des collines. L’un d’eux brûlait près du chemin, au centre d’un carrefour où s’élevait une croix de granit. Les langues rouges de la flamme perçaient le genêt et la lande des fagots empilés en cône ; le bois vert éclatait sous l’étreinte ardente, et chassait au loin des charbons incandescents ; des tourbillons de fumée fauve, où dansait joyeusement l’or des flammèches, s’enroulaient le long d’une haute perche de bois vert couronnée de fleurs, qui forme l’axe de tout feu de joie. — Çà et là des enfants décrivaient dans les ténèbres de lumineux parafes en brandissant un bâton à l’extrémité duquel flamboyait un tampon d’étoffe enduite de brai, et leurs évolutions étourdies causaient aux femmes une défiance que justifiait suffisamment l’admonestation adressée par un vieux paysan à un affreux gnome qui avait failli l’incendier vif. — Groupés, par un heureux hasard, dans de pittoresques attitudes, les spectateurs se profilaient sur le feu ou se montraient tout illuminés par ses reflets vermeils. Quelques-uns en faisaient processionnellement le tour, tenant en main un rosaire qu’ils égrenaient ; plusieurs venaient y plonger l’herbe de la Saint-Jean, qui, chacun le sait, en Bretagne, acquiert, au contact du feu bénit, la vertu merveilleuse de conjurer la foudre et la grêle. — D’autres superstitions bizarres et touchantes existaient encore, il y a quelques années, au fond des campagnes, où n’avait pu pénétrer l’esprit railleur des villes. Là on contraignait les bestiaux à franchir l’orbe ardent du brasier pour les soustraire à l’épizootie menaçante ; là des jeunes filles, le sein ému par une course