Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/8

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que les habitants se faisaient un devoir d’accorder dans la mesure de leur fortune. Ces différentes aumônes étaient accueillies par le cri d’Éguinané, sorte de hourra breton consacré à cette unique cérémonie, et que vociférait un formidable chœur d’enfants et de désœuvrés qui suivaient le cortége. — Différentes opinions ont été émises sur cet étrange mot : certains scrutateurs des vieilles mœurs armoricaines le font remonter aux druides, qui, au commencement de l’année nouvelle, récoltaient le gui sacré, et saisissaient l’occasion de cette solennité pour faire des largesses aux indigents, au cri de : au gui l’an neuf, d’où l’on aurait fait par corruption celui d’Éguinané. — Il faut une foi robuste pour admettre cette explication. En effet le spirituel commentateur du voyage de Cambry dans le Finistère remarque fort judicieusement que dût-on accorder ou nier l’identité du breton et du celtique, il n’en ressort pas moins que les druides ne parlaient pas le français.

Selon dom Lepelletier, éguinané ne serait pas du français mal orthographié, mais bien du breton mal prononcé ; il voit dans ce mot la corruption de eguin an eit (le blé germe). « Cela est d’autant plus probable », ajoute l’écrivain cité plus haut[1], « que la fête du dernier samedi de l’année se nomme l’Eghinat, et que le même nom est donné aux étrennes que l’on demande en cette occasion. En criant : « Le blé germe ! » le Breton fait sans doute allusion à ces paroles prophétiques chantées tous les jours de l’Avent,

  1. M. É. Souvestre, dont la plume élégante et féconde a si puissamment contribué à faire connaître la Bretagne au reste de la France.