Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et qui sont accomplies à la Nativité de Jésus-Christ : Aperiatur terra, et germinet Salvatorem ! »

Malgré tout, la première version, la plus absurde, est généralement accueillie ; par les uns à cause de son charme pittoresque, et par le plus grand nombre avec cette crédulité trop propice à la quiétude de l’esprit pour qu’elle ne fasse pas admettre des explications bien autrement improbables.

La quête de l’Éguinané se fait dans les conditions suivantes. — Un tambour, — c’est, depuis 1830, celui de la garde nationale, — précède deux chevaux qui portent les mannequins destinés à loger les dons volontaires de viande, de pain, et autres provisions d’un volume embarrassant ; le commissaire de police et les sergents de ville en grande tenue dirigent la quête, surveillent les offrandes, et préviennent toute fraude qui aurait pour but d’amoindrir le bien des pauvres ; enfin une fourmilière d’enfants appartenant à toutes les classes de la société, s’éparpille, bruyante, désordonnée, la tirelire de fer-blanc à la main, autour du groupe principal : tous piaillent, se bousculent, secouent avec frénésie, sous le nez des citoyens paisibles, leur tirelire pleine de gros sous, et s’entr’agaçant l’un l’autre, ils font, comme le dit M. Despréaux, aboyer les chiens et jurer les passants. Un pensionnaire de l’hospice civil, grand, niais, un idiot même au besoin, à défaut d’autre sujet, se coiffe, dans cette circonstance, avec un chapeau enrubanné, et tient un bâton orné de bandelettes multicolores : il brandit cette houlette sur le troupeau turbulent qui l’environne, et jette maintes fois, comme Neptune, mais avec un succès plus négatif, son quos ego !… au milieu du tumulte. Rien ne