Page:Ramuz - Histoire du soldat, 1918.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
HISTOIRE DU SOLDAT


l’a ouvert, l’a repoussé ;
Satan ! Satan ! tu m’as volé !

mais peut-être que le livre sait quand même, il sait tout, alors (dit-il au livre) réponds :

les autres sont heureux, comment est-ce qu’ils font ?

les amoureux sont sur le banc,
comment faire ? comment faire pour être comme avant ?

dis donc, parce que tu dois savoir,
comment faire pour ne rien avoir ?

On entend le téléphone.
Qu’est-ce qu’il y a ? Monsieur, c’est pour ces cinq cent mille francs ;

est-ce qu’il faut les verser à votre compte-courant ?

Faites comme vous voudrez !
Il recommence à se questionner.

On heurte.
C’est un télégramme qui lui apporte des nouvelles de ses bateaux : toutes les mers à moi ! je suis enfermé ;


On m’envie comme jamais homme n’a été envié, on m’envie,
je suis mort, je suis hors la vie.

Je suis énormément riche, je suis riche énormément,
je suis mort parmi les vivants.

Le rideau se lève ; on voit le soldat assis avec le livre à son bureau. Le diable habillé en vieille femme apparaît sur le devant et sur le côté de