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HISTOIRE DU SOLDAT

les petites filles jouent à capitaine russe partez,

j’ai tout, j’ai tout ce qu’ils n’ont pas,

alors comment est-ce qu’il se fait que ces choses-là ne soient pas à moi,

(ces choses qu’ils ont, comme il voit, maintenant il voit, toujours plus il voit) ;


quand tout l’air sent bon comme ça,
seulement l’odeur n’entre pas ;

tout le monde, et pas moi, qui est en train de s’amuser ;

des amoureux partout, personne pour m’aimer ;

les seules choses qui font besoin,

et tout mon argent ne me sert à rien, parce qu’elles ne coûtent rien,

elles ne peuvent pas s’acheter ;

c’est pas la nourriture qui compte, c’est le goût ;
alors, je n’ai rien, ils ont tout.

Et rentrant à présent chez lui : c’est pas les cordes qui font le son,

parce que toutes les cordes y sont ;

et ce n’est pas la qualité du bois, j’ai les plus fins, les plus précieux :

il valait dix francs, il valait bien mieux ;

Satan ! Satan ! tu m’as volé,
les choses ne peuvent plus entrer ;

prisonnier de soi, prisonnier,
comment faire pour s’échapper ?

Comment faire ? comment faire ? est-ce que c’est dans le livre ça ?

et il l’a ouvert encore une fois,