Page:Ramuz - Joie dans le ciel.djvu/26

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chemin. À un moment donné, je l’ai vue se tenir au fin bout d’un arbre pointu ; c’est une file de peupliers qui est au bord de la rivière. J’étais arrivée. Je m’étais assise dans l’herbe ; j’avais oublié pourquoi j’étais là. Oh ! comment est-ce qu’on était faite, dites-moi, Pierre Chemin ! comment est-ce qu’on était faite, dans ce temps-là, qu’on pût changer si vite ? À présent, je ne voulais plus ; à présent, j’étais bien ; j’avais oublié pourquoi j’étais là. Il tenait ses petits yeux si bien cachés sous ses paupières, et on voyait sous ses paupières leur bombement. Je lui avais mis ses plus belles choses ; je pensais : « Il est bien joli. Il sera brun de peau et noir de cheveux comme moi. » J’étais fière de lui comme on est fière et c’est d’avance, parce que les années vont vite, et encore pas beaucoup de temps, et il serait plus grand que moi. Tout