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DANS LA MONTAGNE

s’élevaient vers elles par des lacets et, elles, elles descendaient vers eux par des murs de plus en plus abrupts, de plus en plus lisses à l’œil. Ici, il n’y avait plus d’arbres d’aucune espèce ; il n’y avait même plus trace d’herbe : c’était gris et blanc, gris et puis blanc, et rien que gris et blanc. Et, eux, ils furent de plus en plus petits, là-haut, sous les parois de plus en plus hautes, qui furent grises aussi, d’un gris sombre, puis d’un gris clair ; puis, tout à coup, elles sont devenues roses, faussement roses, parce que ce n’est pas une couleur qui dure ; c’est une couleur comme celle des fleurs, mais une couleur trompeuse, qui passe vite, car il n’y a plus de fleurs ici, non plus, ni aucune espèce de vie ; et le mauvais pays était venu qui est vilain à voir et qui fait peur à voir. C’est au-dessus des fleurs, de la chaleur, de l’herbe, des bonnes choses ; au-dessus du chant des oiseaux, parce que ceux d’ici ne savent plus que crier : la corneille des neiges, le choucas au bec rouge ; les oiseaux noirs ou blancs ou gris qui peuvent encore vivre ici, mais sans chansons ; à part quoi il n’y a rien et plus personne, parce qu’on est au-dessus de la bonne vie et on est au-dessus des hommes ; — pendant que le