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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/157

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LA MAISON DES BORIES

Alors est-ce que vous croyez qu’on pourra le guérir de sa maladie, mon oncle Amédée ?

— Mais… peut-être, mon tout petit. Si Laurent était très, très gentil avec lui, par exemple…

— Comment voulez-vous ? dit-elle en levant sur moi son regard pathétique, presque insoutenable. Laurent est très, très gentil avec nous, c’est-à-dire que même quand il est méchant, nous, on le trouve gentil, parce qu’on l’aime. Mais comment voulez-vous que mon oncle Amédée le trouve jamais gentil, puisqu’il ne l’aime pas ? Et comment voulez-vous que Laurent puisse jamais être gentil avec lui, puisqu’il sait bien qu’il ne l’aime pas ? Ce n’est pourtant pas de sa faute si l’oncle Amédée a pris la maladie. C’est comme moi quand je suis née, Carl-Stéphane, vous savez ? Maman a dû m’en vouloir de lui avoir donné la maladie, puisqu’elle m’a laissée, ma Belle Jolie vous a peut-être raconté ? Elle a bien fait d’ailleurs, puisque ma Belle Jolie m’a prise avec elle. Mais supposez que je n’aie pas eu de Belle Jolie, hein ? Et puis enfin, vous ne trouvez pas ça affreux, cette histoire de maladie ? Vous croyez qu’il y a un Bon Dieu, vous ?

— Ou…i, Quelque chose comme une Providence, certainement.

— Eh bien ! moi pas, dit-elle avec tranquillité. Sans ça, mon oncle Amédée serait guéri depuis longtemps. Vous ne trouvez pas que c’est affreux, d’être malade comme ça ? Et que ma Belle Jolie et nous tous, on soit malheureux, simplement à cause de ça, quand on pourrait être si heureux, et l’oncle Amédée aussi ?

— Vous êtes tous malheureux ?

— Des jours, on est malheureux, des jours, on est très heureux. Mais des jours… oh ! des jours, ma Belle Jolie est tellement malheureuse qu’on ne peut absolument pas être heureux, nous. Si vous saviez comme elle pleure…