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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/203

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TROIS PARMI LES AUTRES

crissaient dans sa chevelure. Robert, le cœur serré, regardait tomber ce flot noir et brillant qui avait les molles ondulations d’un corps féminin. Il pensait : « C’est un carnage ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Mais tant pis, je l’ai voulu. »

Le coiffeur, maintenant, passait la tondeuse sur la nuque dégagée et rectifiait la ligne. Annonciade risqua un coup d’œil.

— Oh ! s’écria-t-elle avec un petit rire, comme je suis drôle !

Devant le fait accompli, elle se sentait étrangement soulagée et joyeuse. Puis elle réfléchit et constata :

— Ça ne me change pas beaucoup.

Les cheveux rejetés en arrière, deux vagues s’avançant sur les joues et se recourbant pour fuir vers les oreilles, reproduisaient son ancienne coiffure. Mais au lieu de se terminer comme autrefois par un doux rinceau arrondi, les ondulations étaient coupées net et leur rêche bordure barrait comme une chenille noire le rose translucide de sa joue.

— Vous êtes charmante, dit Robert.

Cependant il semblait chercher quelque chose.

— Est-ce que… demanda-t-il avec l’hésitation du profane, est-ce qu’on ne pourrait pas… faire boucler tous ces cheveux… en petites boucles… vous voyez ce que je veux dire ?

— Mais certainement, monsieur. Nous pouvons coiffer madame en pâtre grec. Cela se fait beaucoup à Paris. Avec une application de bigoudis, ou bien, ce qui est préférable, l’ondulation électrique, garantie un an…

Une colère humiliée s’empara d’Annonciade.