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Histoire philosophique
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À l’eſclavage politique, s’eſt joint l’eſclavage civil. L’Indien n’eſt pas le maître de ſa vie : on n’y connoît point de loi qui la protège contre les caprices du deſpote, ni même contre les fureurs de ſes délégués. Il n’eſt pas le maître de ſon eſprit : l’étude de toutes les ſciences intéreſſantes pour l’humanité lui eſt interdite ; & toutes celles qui ſont reçues concourent à ſon abrutiſſement. Il n’eſt pas le maître du champ qu’il cultive : les terres & leurs productions appartiennent au ſouverain ; & c’eſt beaucoup pour le laboureur, s’il peut ſe promettre de ſon travail une nourriture ſuffiſante pour lui & pour ſa famille. Il n’eſt pas le maître de ſon induſtrie : tout artiſte qui a eu le malheur de montrer un peu de talent, court riſque d’être deſtiné au ſervice du chef de l’empire, de ſes lieutenans, ou de quelque homme riche, qui aura acheté le droit de l’occuper à ſa fantaiſie. Il n’eſt pas le maître de ſes richeſſes : pour ſe ſouſtraire aux vexations, il dépoſe ſon or dans le ſein de la terre, & l’y laiſſe enſeveli même à ſa mort, avec la folle perſuaſion qu’il lui ſervira dans une autre vie. Peut-on douter qu’une autorité abſolue, arbitraire, tyran-