Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’hérétique ferait au milieu des flammes. On l’attendit avec des trépignements d’impatience. Une longue rumeur a couru dans la multitude à sa venue. Il était en chemise et portait sur ses épaules des lambeaux de sa robe de moine qu’on venait de déchirer. Il tremblait fort, je vous assure : ses dents claquaient. On était obligé de le soutenir. Il serrait un crucifix dans la main. Quand il a vu apparaître le bûcher élevé jusqu’au milieu des colonnes de la Piazzetta, il a eu une défaillance et il a poussé de petits cris : Hi ! hi ! oh ! ah ! oh !

— Vous avez dû mal entendre : il nommait son maître, le frère Girolamo.

— Je ne sais pas, mais la foule s’est mise à l’insulter, à le traiter de lâche, de porc, et un enfant, perçant la haie des zaffi, lui a lancé en plein visage un excrément qui est resté collé à sa peau comme un masque et lui a donné une mine si étrange que des rires ont éclaté de toutes parts. Un bargello, qui demeurait impassible, a dit à un sbire de laver le visage du condamné. Mais le sbire a répondu : « Est-ce la peine pour si peu de temps qu’il lui reste à vivre ? » Cependant le frère s’était évanoui, on a été obligé de le porter jusque sur le bûcher où, après l’avoir attaché à un poteau avec de grosses chaînes, on a appelé le médecin pour le faire revenir. Gennaro s’est réveillé en hurlant d’épouvante, tandis que le bourreau le couvrait de paille et disparaissait. Alors, de tous côtés du bûcher, j’ai vu courir les petites flammes des torches qu’on y jetait et presque aussitôt une montagne de fumée s’est élevée jusqu’au ciel, au milieu du crépitement des fagots et de l’immense clameur du peuple. Craignant d’être étouffé, je me suis sauvé en grande hâte.