Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/151

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En achevant son récit, Humphrey Craddock se tourna vers moi.

— J’ai un curieux souvenir de l’exécution, fit-il. C’est le neveu du bourreau, un jeune garçonnet, qui me l’a offert aujourd’hui pour quinze ducats. Voulez-vous le voir ?

Sans attendre ma réponse, avec un sourire plaisant, l’Anglais tira du petit sac de soie qu’il portait os d’une main calcinée. Je poussai un cri d’horreur, et comme, par jeu, Craddock m’effleurait le visage de cette main de cadavre, je me rejetai brusquement en arrière et tombai à la renverse.

— Allons, ma chère enfant, dit Morosina en me relevant, n’ayez pas peur : ces seigneurs n’ont pas l’intention de vous faire de mal.

Et, s’adressant à Craddock, elle ajouta :

— Vous avez là, messer, un talisman précieux. Enduite de sésame, de cire vierge et de graisse de pendu, cette main de gloire s’allume comme une chandelle et répand une lumière merveilleuse qui paralyse l’audace des criminels. Il est seulement fâcheux qu’elle vienne d’un hérétique. Mais préparée convenablement dans un vase de terre avec du sel, du salpêtre et du poivre long, puis exposée ensuite au soleil d’été, je ne doute pas qu’elle n’ait de grandes vertus.

— Je les éprouverai, reprit Craddock, bien que cette main soit surtout pour moi un souvenir, — un souvenir que je serai heureux de montrer à ma femme et à mes amis de Londres. Je ne regrette pas moins de l’avoir retirée de mon sac, puisque cette jolie fille en a eu si grand peur.

— Ne faites pas attention à cette enfant, répliqua Morosina : elle est craintive à l’excès. Votre récit