Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/164

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— Vous allez vous compromettre, ma fille, avec des engeances pareilles.

Je haussai les épaules.

— Non ! Non ! Je veux l’avoir chez moi. Il vient de la part du bon Dieu !

Et me tournant vers le pauvre homme :

— Docteur, ne me prenez pas pour une femme qui a séché sur les livres : telle que vous me voyez, je suis une petite ignorante.

— Sa Seigneurie est belle, cela suffit.

— Oui, je suis belle ; seulement écoutez : il ne faut pas me regarder comme cela ; il arrive toujours du mal aux docteurs qui regardent trop leurs écolières.

— Ah ! madame, je ne veux vous adorer qu’avec mon esprit. Il y a longtemps que j’ai dépouillé les désirs de la chair comme indignes d’un homme. La beauté n’est pour moi qu’un moyen de perfectionner mon intelligence. Elle me permet de découvrir les harmonies célestes qui demeurent inconnues au reste des hommes. C’est sans doute pour cela qu’on m’appelait à l’Université Michele des Étoiles, bien qu’en réalité je me nomme Michele Marzocco. Jusqu’ici je n’ai eu affaire qu’à de mauvaises âmes, fondues dans la chair mortelle et engluées à la terre. Voilà pourquoi vous me voyez dans ce triste état.

— Seigneur Michele des Étoiles, vous parlez d’harmonies célestes, mais n’admettez-vous pas qu’il y ait aussi des harmonies entre nos pauvres corps, par exemple entre le corps de l’homme et celui de la femme ?

— Non, madame, le corps n’a pour mission que de transmettre les pensées d’une âme à une autre âme : ce n’est qu’un domestique et un sale domestique encore !

Morosina ne tolérait plus l’entretien ; toute gonflée