Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/173

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— Chut ! Chut ! Voulez-vous finir ! criait-on autour de nous. Voici qu’on se met en marche.

En effet, le défilé commençait, et j’admirais les jeunes gens des confréries coiffés de leurs bérets à plume et portant la devise de la société brodée en lettres d’or sur leur manteau de soie. Il y avait là les plus beaux garçons de la République. Les pourpoints ajustés, les chausses collantes de drap d’argent, de velours cramoisi ou de satin rose faisaient ressortir le joli dessin de la poitrine, des jambes et des reins. Les chars aussi s’ébranlaient : je vis passer ceux de Cybèle, de Mercure et de Neptune. Mes amies m’avaient quittée. Je restais seule à attendre mon tour.

Je vis bientôt s’approcher le char de Vénus, qui n’était qu’une corbeille de roses, et où étaient déjà groupées les trois Grâces. Une vieille dame nous confia un petit bambin de cinq ans qui n’avait pour costume qu’une écharpe de soie soutenant un carquois de flèches.

— Surtout, dit la vieille, prenez bien garde à mon petit amour.

— Oh ! madame, dit Marietta, je vous le promets.

Et tant que dura la fête, elle lui enseigna comment il devait se tenir, interrompant ses leçons pour lui donner des baisers et le bourrer de gâteaux.

Je me tenais droite sur le char, enlaçant une jeune Psyché, dont les cheveux se mêlaient aux miens et formaient pour nous deux un même collier de soie d’or. Des milliers d’yeux étaient fixés sur moi, mais la rumeur d’admiration qui courait dans le peuple ne me causait plus aucun trouble ; je levais la tête, buvant avec volupté ces louanges que j’entendais monter de toutes parts, perdue moi-même dans cette ivresse de foule, de soleil et de clair azur.

Soudain, l’immense place Saint-Marc m’apparut,