Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/206

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vous donner mon impression sincère : vous surpassez nos plus illustres gloires. Ah ! ma petite Nichina, cette soirée comptera dans mon existence : je suis heureuse, oui, bien heureuse. Car, enfin, c’est moi qui vous ai formée, ma fille, et vous êtes mon œuvre. Laissez-moi vous embrasser.

Mais ennuyée de ce radotage et honteuse des ridicules trop évidents de la comtesse :

— Demain, demain, fis-je avec un peu d’impatience.

Morosina me regarda d’un œil surpris, déjà humide.

— Ingrate ! s’écria-t-elle. Et, se tournant vers Michele des Étoiles qui l’avait suivie : Voyez, seigneur Michele, Nichina ne me reconnaît plus ; elle rougit de notre vieille amitié.

— Allons ! venez donc, dit Michele froidement, elle n’a pas trop de sa gloire pour elle toute seule.

Je laissai Fasol me prendre le bras ; mais il me sembla que j’avais les lèvres amères et que tout mon être ressentait une mystérieuse souffrance. L’image de Guido me poursuivait doucement.

Comme nous allions sortir, nous croisâmes deux hommes ; de l’un, qui avait l’apparence de Monseigneur Benzoni, je ne pus voir la figure ; l’autre était sûrement l’abbé Coccone. Il parlait sur un ton très animé :

— Je vous ai toujours dit que cela ne réussirait pas.

Au même instant, des cris perçants s’élevèrent.

— Ces voix d’enfants me font mal, dit Fasol.

Je me rappelai mes camarades, le vin qu’elles avaient bu avant la dernière scène, et j’eus un tremblement d’épouvante.

— Oh ! fis-je, si elles étaient réellement empoisonnées. Courons à leur secours.