Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/226

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— Sais-tu que tu as des formes élégantes ! fit-il par plaisanterie.

— Je vous crois, reprit Arrivabene du ton le plus sérieux, j’ai posé pour le sculpteur Claudio de Rivolta : il trouvait que j’étais beau comme un dieu.

— Comme le dieu Silène, peut-être, ajouta Fasol. Mais tu as froid : enveloppe-toi de mon manteau. Au couvent on te donnera bien une robe.

— Ah ! que va dire l’abbé Coccone, s’écriait Arrivabene, que va-t-il dire, Sainte Marie des Anges !

Fasol m’avait apporté la souquenille du moine, qui sentait le bouc et la sueur humaine.

Je la rejetai bien vite.

— Je coucherai à la belle étoile, m’écriai-je, plutôt que de m’appliquer sur le corps cette infection.

— Quoi ! madame, vous méprisez mon habit, répliqua le frère, eh bien, moi, je ne vous ressemble pas : si vous me donniez une de vos robes, je ne ferais pas tant de manières, je me la mettrais tout de suite sur le dos. Ah ! je ne suis pas dégoûté.

Mais Fasol m’obligea, en dépit de ma répugnance, à revêtir le froc et en rabattit sur mes yeux le capuchon de laine. Alors, tenant nos chevaux par la bride, nous allâmes rejoindre le cardinal qui attendait à pied, avec tout le cortège, qu’on nous laissât entrer dans le monastère. Par bonheur, il ne nous remarqua point.

Après quelques moments, nous entendîmes pousser plusieurs verrous, grincer les clefs de deux ou trois serrures et une barre de fer se leva lentement.

— Pour se barricader ainsi, dit Arrivabene, il faut que la vertu des moines soit bien fuyante.

— Êtes-vous donc plus sûr de la vôtre ? repartis-je.

— C’est-à-dire, continuait Arrivabene, que je la mets sous la protection de Dieu et la laisse ensuite aller où bon lui semble, trop bon chrétien pour douter de la Pro-