Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/227

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vidence. Si, ensuite, ma vertu ne suit pas le droit chemin, tant pis pour elle ! je ne pèche que par excès de foi. Mais je sais bien qu’au jour du Jugement, entre les virginités orgueilleuses et ma paillardise pleine d’humilité, le bon Dieu n’hésitera pas. Alors on verra si, pour n’avoir confié sa vertu à personne qu’au creux de sa main, on a le droit d’entrer au ciel et d’y épouser les saintes !

Cependant la porte du monastère s’était entrebâillée. Un petit frère aux yeux rieurs et timides, qui essayait de donner une expression sévère à ses traits, nous dit d’une voix flûtée d’eunuque, avec un air boudeur, que nous étions trop nombreux pour être reçus au couvent.

— Je suis le légat de Sa Sainteté, répliqua le cardinal, et toutes ces personnes font partie de ma suite.

— Le légat est un homme égal aux autres, devant Dieu, continua le petit frère. La règle établie par le père Romuald ne souffre point d’exception. On ne reçoit pas ici, le même jour, plus de trois voyageurs.

— Oh ! oh ! oh ! monseigneur, remarqua l’abbé Coccone, je flaire ici un joli nid d’hérétiques.

Mais le cardinal, sans prêter attention aux paroles du petit frère, reprit sur un ton impérieux :

— Annoncez ma venue au père Romuald et dites-lui que je viens lui demander l’hospitalité.

— Je veux bien, seulement je doute qu’il vous laisse entrer.

Et après avoir promené sur nous des yeux inquiets, comme nous ne lui inspirions aucune confiance, le petit frère rentra et se barricada d’un tour de clef.

L’abbé Coccone soupirait :

— Quel repaire ! mon Dieu ! quel repaire !

Cette fois, la porte s’ouvrit toute grande et le père Romuald, en personne, vint nous souhaiter le bonsoir. Il avait, lui aussi, le regard fuyant, timide et joyeux,