Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/289

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ridicules comme le Beccafico. Maintenant je le voyais lâche, laid et stupide. Je le haïssais de tout mon cœur, et j’eusse voulu le battre, le fouler aux pieds pour l’avoir un instant désiré, pour avoir failli trahir en sa faveur le doux, le divin, l’unique aimé. Ô Guido ! me disais-je en moi-même, Guido, reviendras-tu jamais me donner la grande joie à laquelle j’aspire.

— Pauvre Nichina, répondait Fasol à mes sanglots. Mes larmes avaient suffi à éteindre sa colère.

Dans la cour du père Borbottino les danses s’étaient interrompues. Une vieille femme venait de paraître, couverte d’une cape noire qui lui descendait jusqu’aux talons. D’un geste fier elle découvrit son visage, et l’on aperçut ses yeux larges et sombres qui regardaient le ciel. Déjà l’on chuchotait autour d’elle :

— C’est la folle ! la sorcière de Saliceto !

Et, comme tout le monde la considérait avec une curiosité mêlée de terreur :

— Je viens lire vos destins, dit-elle.

Elle s’avança vers la mariée qui dansait encore avec le duc Gacialda, joyeux comme un jeune homme. Elle lui prit la main de force, l’ouvrit et, un instant, elle examina les lignes simples, profondes, qui creusaient cette paume sèche et durcie de paysanne. Ce qu’elle aperçut la fit changer aussitôt de physionomie.

— Que voyez-vous donc ? lui demanda brusquement le duc.

— Hélas ! s’écria-t-elle, hélas !

— Mon Dieu ! dit Arrivabene, elle a découvert que la mariée aurait le restant de sa servante et le mari, en retour, l’usure du conducteur de bestiaux. Le beau prodige, seigneur ! la belle devinaille !

— Et moi ? me voyez-vous heureux en ménage, faisait en ricanant Gacialda.