Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/291

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cette malheureuse commença de chuchoter des paroles incohérentes, mais le duc, sans l’écouter, l’empoigna par les épaules et la jeta sur la route.

— Toi ! dit-elle, tu auras le corps en sang avant qu’il ne s’écoule une semaine.

— Fais donc attention à ce que je n’y mette plutôt ton derrière ! répliqua le duc.

Elle maugréa, cracha, sauta en l’air, puis roulant le bas de sa cape autour de ses reins, prit sa course.

Satisfait de son acte de bravoure, le duc revint au milieu de ses paysans. Il avait la tête haute, l’air crâne, le sourire aux lèvres et jouissait de l’admiration qu’il lisait dans tous les regards. Il jugea utile d’informer le chapelain de ses impressions.

— Ces radoteuses, observa-t-il, ne savent au fond ce qu’elles disent, et, toutefois, je ne puis écouter leurs paroles avec indifférence. Moi, je m’imagine que la prophétie attire l’événement comme il suffit de causer du loup pour en voir la peau.

— Il y a, répliqua le chapelain, sorcières et sorcières. Les unes, possédées du Diable, sont effectivement fort dangereuses, mais je crois à l’innocence de celle-ci.

— Pourquoi cela ?

— Je l’ai exorcisée et il n’est sorti de son corps aucun démon.

— Ah ! si vous croyez que les démons sont toujours, comme cela, disposés à sortir… Moi, je suis très effrayé de ses prédictions, je ne vous le cacherai pas.

— Que vous a-t-elle prédit ?

— Que vous coucheriez demain dans l’enfer !

Le chapelain devint blême et ses jambes flageolèrent.

— Rassurez-vous, mon père chapelain, s’écria le