Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/303

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— Le bon Dieu va me rendre fou, me rendre fou ! répétait-il.

Avec l’aide de Fasol je portai Paola sur son lit, suivie des officiers qui devaient, selon les ordres du cardinal, rester toute la nuit auprès d’elle. La pauvre enfant, revenue de son évanouissement, fut prise d’un délire atroce et remplit la chambre de ses cris. J’essayais de la calmer, mais sans succès, agitée moi-même de cette inquiétude et malade de cette fièvre qui la faisaient se tordre d’angoisse.

Dès le lendemain, le cardinal procédait à l’interrogatoire de Gacialda. Des paysans, parmi lesquels le Borbottino, venaient déposer contre le duc, tandis que l’abbé Coccone enregistrait de sa fine écriture des plaintes interminables. On reprochait à Gacialda ses exigences à l’égard de ses tenanciers, ses débauches avec les filles du pays, sa cruauté pour ses pupilles.

— Qu’avez-vous à répondre ? faisait le cardinal.

Le duc, selon l’état de sa changeante humeur, haussait vivement les épaules, essuyait une larme, ou levait les yeux au ciel.

Pour son malheur, il avait commis la plupart des actes qu’on lui reprochait. Il l’avouait lui-même, il ne s’était pas gêné pour trousser, derrière une haie, une fille accorte, claquer sa nièce, quand elle faisait l’impertinente, et exiger de ses paysans, sur un ton un peu rude, des redevances qu’ils lui promettaient sans cesse et ne lui apportaient jamais. Mais le cardinal s’autorisait de ces violences de maître et de tuteur, du soin même que le duc apportait à gérer Posellino, pour le déclarer criminel. Certes, disait-il, le duc aimait trop ces terres et ce château pour se résigner à les quitter un jour, et, quand il frappait, en plein visage, le comte Marzio ou battait, avec sa canne,