Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/31

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Arrivabene me désignait, au milieu d’un sapin, une branche moussue d’où partait une claire et vive roulade. Aussitôt le voilà qui s’accroche à l’arbre, grimpe avec autant d’agilité que s’il n’avait pas eu de ventre ni de derrière, et je le vois, sous les coups de bec du mâle et de la femelle, toucher avec précaution la branche qu’il m’avait indiquée. Avant que j’eusse remarqué sa descente, il m’avait déjà rejoint au pied du sapin. Il me montra, parmi des brindilles de mousse blanche, les petites têtes emplumées.

— Bravo, lui dis-je, mais que vas-tu en faire ?

— Les éduquer moi-même, me répondit-il, j’ai besoin, dans ma cellule, d’entendre la causerie des oiseaux.

Chemin faisant, nous trouvâmes de grands ombrages. Le frère, joyeux de se mettre à l’abri du soleil, s’assit tout à coup et me déclara que la chaleur était trop incommodante pour qu’il pût s’occuper des affaires du couvent. Il renvoyait la quête au lendemain.

— Mais que dira le père Antonio ?

— Nous serons si lourds d’argent que le père ne songera point à notre retard. Aujourd’hui ne pensons plus qu’à nous rendre chez Madame Nichina, où nous attend la plus généreuse et la plus aimable des hospitalités.

— Comment ! fis-je, tu connais la Nichina !

— Oui, je la connais, répondit Arrivabene, et pourquoi, je te le demande, ne la connaîtrais-je pas ?

— Ignores-tu que la Nichina est une ancienne courtisane et qu’elle ne doit son luxe qu’au grand nombre de ses impuretés ?

— Ne nous occupons pas, dit Arrivabene, de regarder d’où vient l’argent qu’on donne au Seigneur ; la Nichina sait préparer pour les serviteurs de Dieu les plus succulents repas, serait-il bien raisonnable d’en exiger davantage ?