Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/320

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Ma haine sourde, instinctive, pour Fasol, qui ne se dissipait à mes moments de bonne humeur, que pour renaître ensuite avec plus de violence, devenait à présent une haine volontaire, qui se répandait par tout mon être et que chaque mouvement de mon corps entretenait. Si Guido n’était pas avec moi, si je souffrais de la soif, si je me sentais fatiguée, si mon cheval marchait mal, je m’en prenais à Fasol que je finissais par regarder comme la cause de toutes mes peines, multipliées et grandies.

La nuit tombait et nous allions atteindre une route boisée qui conduisait au village où nous devions nous arrêter, quand Fasol se haussant sur sa selle, se détourna pour jeter un coup d’œil derrière lui.

— Où est donc notre escorte ? dit-il.

Il n’achevait pas que deux hommes l’enlevaient de cheval ; je n’eus pas le temps de m’étonner ; je fus presque aussitôt saisie, emportée, renversée à terre, tandis que deux nouveaux arrivants essayaient d’enlever à la hâte les cassettes attachées aux selles de nos chevaux. Mais Fasol, après le premier moment de surprise, eut vite fait, avec sa force et sa souplesse ordinaires, de se dégager, puis, tirant tout à coup une dague, au lieu d’attendre l’attaque des brigands, il se précipita sur eux. Ils n’étaient armés que de bâtons ; aussi, le voyant si résolu, ils appelèrent à leur aide les autres voleurs qui, ne me jugeant pas à craindre, m’abandonnèrent vite pour se jeter sur Fasol. Sans s’effrayer le moins du monde, il commença de parer avec une vivacité merveilleuse les coups que les cinq brigands essayèrent de lui porter. Il était impossible pourtant que la victoire fût douteuse. Je le compris ; et, animée d’une haine qui voulait être active, désireuse de plaire à ces hommes dont j’allais tout à l’heure dépendre, je me précipitai entre les