Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/321

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jambes de Fasol pour me venger en amoureuse et lui écraser cette chair virile dont il m’avait fait l’humble servante. Sous la pression cruelle de mes doigts caresseurs, transformés en tortionnaires, il poussa un hurlement qui me remplit d’aise ; et, surpris par une douleur si inattendue, il oublia un instant de parer les coups. Aussi fut-il frappé à la fois par ses cinq adversaires. Le sort du combat allait se décider lorsque j’entendis, sur le chemin, le galop de plusieurs chevaux ; en même temps un coup de pied, que je reçus dans les jambes, m’envoya rouler au fond d’un fossé.

Je me relevais à peine que déjà notre escorte était arrivée. Les voleurs, qui n’avaient compté que sur leur nombre et leur audace, ne voulurent pas essayer une lutte sans espoir et se sauvèrent à toutes jambes.

En sortant du fossé, je me heurtai contre un cadavre : c’était celui du paysan qui nous avait servi de guide, et, par de fausses indications, avait égaré l’escorte pour nous livrer aux bandits. Je regardais la blessure hideuse qu’il avait à la tête, ses larges yeux sortis de leur orbite, entre deux bandes de sang noir ; et je songeais, en frissonnant, que peut-être je serais punie, comme cet homme, de ma trahison.

Il fallait fuir ou payer d’audace. Je n’hésitai pas.

M’étant tout doucement rapprochée de mon cheval, je remontai en selle, et, quand nous repartîmes, je fis en sorte de chevaucher à côté de Fasol sans qu’il eût l’air de s’apercevoir de ma présence. Je tentai d’obtenir un mot de lui.

— Fasol, commençai-je timidement.

Il ne sembla pas m’entendre.

— Fasol, répétai-je, je n’avais plus ma raison tout à l’heure : pardonne-moi.

Ce fut à son tour d’être muet et insensible.