Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/352

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Je fis venir mon intendant, lui ordonnai de quitter ses vêtements, de s’habiller en gentilhomme et de se rendre chez elle.

— Tu ne seras pas à plaindre, dis-je ; sans me valoir, elle n’est pas indigne d’être ma sœur.

Le soir n’était pas venu, que je vois arriver mon Moïse tout éploré. Il avait vieilli de dix ans. Ses traits étaient tirés et les cinq cheveux noirs qui lui restaient étaient devenus blancs.

— Tu as fait une perte d’argent ? demandai-je en feignant une vive surprise.

— C’est moins grave, dit-il, mais c’est horrible tout de même ; oui, horrible ! Mon pauvre cœur en est malade.

— Allons, pleure un peu, cela te soulagera. Veux-tu ta petite omelette ?

— Non, plus tard. Ma femme, ta sœur ! car il paraît que c’est ta sœur, ma femme ?

— Ah ! m’écriai-je, je ne sais pas, je ne m’occupe pas de tes affaires et je suis brouillée avec ma famille.

— Eh bien, par un hasard extraordinaire, j’ai surpris ta sœur, tu ne devinerais jamais avec qui ? avec ton intendant !

J’eus l’air de revenir de l’autre monde.

— Oui ! avec ton intendant ! Ah ! mais je lui en ai donné, au galant, du bâton sur la tête ! Je pense qu’il n’en reviendra pas.

— C’est un beau coup que tu as fait là ! Comment, maintenant, vais-je me passer d’intendant ?

— Je t’en trouverai un autre. Quant à ma gueuse de femme, elle s’est sauvée, et sais-tu ce qu’elle m’a dit en partant ?

— Comment veux-tu que je le sache ?

— Elle m’a dit : « Va retrouver ma salope, ma coquine, ma putain de sœur, celle qui t’appelle une