Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/36

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— Mais je ne veux pas la louer, ma cuisine, je ne veux pas !

Sur quoi les rires recommencèrent de plus belle, tandis que Lucietta, par des explications vingt fois répétées, essayait de calmer sa mère.

— Je dois vous dire, mes frères, dit Nichina, que maman était malade aujourd’hui, et que vous ne serez pas servis aussi bien que lorsqu’elle s’occupe du dîner.

Arrivabene fit la grimace, mais déguisa son mécontentement sous une galanterie.

— Des yeux et des formes comme les vôtres rendraient friande la chère d’un ermite.

— Seigneur Jésus ! s’écria la Petanera, est-ce que le moine veut l’épouser ?

En même temps Angela Balla-l’Ocche et Betta Pedali déclarèrent qu’elles préféraient s’en aller, si ce sale moine d’Arrivabene restait à souper, mais Nichina les apaisa en leur disant qu’Arrivabene savait des histoires à mourir de rire.

On dressa sur la terrasse la table du festin, qui bientôt fut chargée de fiasques, de fruits et de mets de toutes sortes.

Le frère, se penchant sur un chapon enguirlandé d’herbes fines et parfumé d’aromates, huma l’odeur avec ravissement.

Puis, reportant sur Nichina l’adoration qu’il venait d’accorder à la volaille :

— Ah ! ma douce menteuse, fit-il avec des regards qui allaient de la table aux épaules des femmes quels repas divins vous savez nous offrir !

Et sans attendre que Nichina eût pris place à table, il s’assit et dépêcha un petit signe de croix aussi vite que s’il eût chassé une mouche de son nez.

— Mon frère, lui dis-je, est-ce que tu aurais honte de notre sainte religion que tu te caches ainsi d’être dévot ?