Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/42

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mère, tu voudrais toujours rencontrer la paix à la maison, mais s’il n’y avait que toi pour l’y mettre, je crois que nous ne verrions pas souvent sa couleur.

Mon père ni ma mère n’étaient des gens à garder leurs injures pour en faire des petits. Au bout de quelques minutes, ayant épuisé toute leur provision d’insultes, ils se prenaient aux cheveux, aux épaules, aux jambes ; ils s’agitaient comme des lutteurs en foire, et enfin, ainsi que cela devait arriver, papa faisait tomber maman et la traitait, je n’ose vous dire comment, avec le pied, avec les poings, avec le bâton. Quelle grêle de coups, sainte Vierge, comme cela tombait ! Ah ! il faut qu’elle ait eu les membres solides pour s’en être échappée. Guido et moi nous pleurions toutes les larmes de notre corps en regardant maman qui se débattait et poussait des hurlements à mettre en branle le cimetière de Saint-Zanipolo.

Tout d’un coup, elle se relève, crache à la figure de mon père et se sauve en criant :

— Turc d’enfer, tu vas voir si je t’en fais porter, des cornes !

Mon père haussa les épaules, sortit pour l’appeler, puis revint vers nous.

— Voyons, mes chérubins, qu’avez-vous à pleurer ?

— C’est, dit Guido, ma tante qui voulait nous fouetter.

— C’est, dis-je à mon tour, maman qui ne voulait pas que je misse ma belle robe.

— Ah ! elle ne voulait pas te mettre ta belle robe, la gueuse !… Eh bien ! c’est moi qui vais te la mettre. Allons, ne pleure plus, où est-elle, ta robe ? que j’aille te la chercher, ma petite adorée du bon Dieu.

Aussitôt papa ouvre le coffre, lance les hardes sens dessus dessous, jette tout par la place.