Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/423

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fils pour qu’ils viennent avec nous au palais Benzoni, tandis que vous préparerez avec les servantes la chambre de Guido.

Mes paroles l’avaient tout à fait réveillée. Devenue docile à ma voix, elle se disposait à se lever. Lorsque nous entendîmes le lit craquer sous son corps et vîmes son gros ventre remuer sous les draps, nous partîmes, la laissant à sa toilette. Tout en s’habillant elle murmurait :

— Si elle amène ici son Guido, sûrement la fin du monde est bien proche !

Je partis avec Michele et les deux jardiniers. Le Palais était fermé, mais heureusement je retrouvai, dissimulée sous une fenêtre en trompe-l’œil, la porte secrète par où Guido m’avait fait sortir lors de notre entrevue. Elle demeurait ouverte toutes les nuits, afin de favoriser les amours du cardinal. Ainsi nous parvînmes sans encombre à la chambre du pauvre blessé. Il reposait doucement sur son lit, et une faible plainte s’échappait de sa bouche :

— Ah ! mon Guido adoré ! le voilà ! il est là ! je l’ai enfin ! m’écriai-je.

Comme nous entrions, j’entendis un petit trot de souris et j’aperçus, par la tenture soulevée, l’abbé Coccone qui sortait avec précaution de la chambre du cardinal, portant une brassée de papiers. Il était si préoccupé qu’il ne nous vit point.

Nous enveloppâmes Guido de nos manteaux et nous le descendîmes dans la gondole. Il se réveilla, nous regarda d’un œil fixe et terrifié.

Je m’approchai de lui pour le rassurer.

— Nous te sauvons, dis-je en lui mettant un baiser sur le front.

Alors, tout frissonnant, il ramena jusqu’à son visage l’un des manteaux dont nous l’avions couvert et,