Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/439

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autre se retournait et, pour la première fois depuis son arrivée à la villa, je remarquai dans son regard une expression de douleur.

Ce fut la promenade de nos fiançailles. Depuis si longtemps que nous n’avions joui de l’air, de la lumière, de toutes les grâces de la vie, avec quelles délices et dans quelle triomphale étreinte nous marchions, loin de l’infamie et de la mort ! Il était enfin touché de mon immense amour ; enfin son timide désir d’enfance se reconnaissait et s’exaltait en moi.

Au bout d’une heure, Fasol, d’un ton presque furieux, dit à Guido de rentrer ; et, de peur que mon ami ne fût fatigué, j’obéis en tremblant.

Mais, les autres fois, nous ne nous occupions point de Fasol ; il avait beau me recommander d’être plus prudente, je me moquais de ses prescriptions que, d’après moi, dictait seule la jalousie. Guido me semblait si heureux, si gai ! Je ne pouvais imaginer qu’il ne fût pas complètement rétabli.

Un après-midi que le ciel était doux, parsemé de nuages légers comme la robe des anges, j’allai avec Guido jusqu’au fond du jardin, à l’endroit où les aiguilles des pins forment une couche si voluptueuse devant la pièce d’eau.

— Je crois avoir vu Fasol, fis-je avec terreur.

Depuis que nous sortions, Fasol me poursuivait partout. Quand je ne le voyais pas, c’était son fantôme qui m’obsédait.

— Non, me répondit Guido, mais pourquoi est-il attaché à nos pas ? As-tu remarqué l’œil méchant et envieux dont il nous regarde ? On dirait qu’il ne nous pardonne pas notre bonheur.

— Je ne sais pas, répliquai-je.

Je ne l’avais pas écouté, devenue soudain tremblante à la pensée que l’heure si longtemps désirée allait