Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/440

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sonner pour moi. Je goûtais chaque instant qui passait, silencieuse et immobile, dans ma crainte de perdre ou d’effaroucher le bonheur.

— Guido, dis-je enfin, Guido, je te l’avais promis : le beau jour est venu.

Ses lèvres s’entr’ouvraient, dans un délicieux sourire, à la joie prochaine ; il m’appelait de ses bras tendus, de ses yeux pleins d’extase. Je l’enlaçai, et nos bouches unies échangèrent leurs âmes.

Mais nos caresses emportées ne parvenaient pas à nous confondre. Tout à coup Guido détourna le visage, repoussa mon étreinte et, d’une voix de colère, il s’écria :

— Abominable Christ ! tu m’as souillé la vie pour toujours.

Je lui fermai la bouche de mes deux mains, effrayée de ses blasphèmes.

— Ô mon bien-aimé, dis-je, n’outrage pas le Christ, cela nous porterait malheur ! C’est à lui que je dois ta guérison. Je l’ai tant prié pour toi !

— Ah ! qu’importe la guérison si je ne puis plus t’aimer ! Ce sont les prêtres du Christ qui ont voulu m’éloigner, me dégoûter de toi ! Ce sont eux dont l’infâme souvenir me tourmente à présent !

— Mon Guido, ne t’afflige pas, reprenais-je, nous devons être l’un à l’autre, je le sais, et je t’aime trop pour que tu ne puisses m’aimer.

Le pauvre enfant pleurait sous ma bouche les belles journées perdues et, gagnée par sa tristesse, je me demandais pourquoi nous vivions encore, si le bonheur devait à jamais nous fuir. Mais je ne voulais point désespérer. Rejetant ma robe, décidée à n’être plus que la servante de sa chair, l’esclave de son plaisir, je m’étendis toute nue sur son corps et chaque baiser, chaque caresse, qui m’eût accablée de honte autrefois,