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Page:Rebière - Mathématiques et mathématiciens.djvu/184

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MORCEAUX CHOISIS ET PENSÉES

troisièmes ne sont plus à plaindre mais à flétrir, ils faussent le vrai de parti pris, ce sont des sophistes, ils connaissent la route, mais ils suivent les chemins tortueux qui les mènent où leur passion veut. Une consciencieuse fréquentation des sciences vous évitera d’être classés dans ces catégories : vous saurez et vous voudrez marcher seuls et marcher droit.

Vous repousserez non seulement le faux, mais encore l’incomplet, l’approximatif, le vague qui nous envahissent. Voilà l’ennemi de tous les jours, ennemi fuyant, insaisissable. Que d’assertions qui ne sont pour ainsi dire, ni vraies ni fausses, que de pensées à peine ébauchées, échappant par là même à la réfutation ! La faute en est aux hommes seulement littéraires, sans lest scientifique, ils sont frivoles et vains, ils dissertent avec facilité sur ce qu’ils ignorent. Vous vous tairez, lorsque vous n’aurez rien à dire ; mais lorsque vous parlerez, lorsque vous écrirez, ce sera judicieusement, fermement, « chaque mot signifiera ».

J’ai jusqu’ici supposé expressément des principes faciles, clairs et certains, comme le sont ceux des sciences formées, mais, dans beaucoup de spéculations, on n’a pas cette commodité. De là un péril grave contre lequel vous vous tiendrez en garde. Les esprits rigoureux, qui sont mal partis, avancent héroïquement en ligne droite ; sûrs de leurs déductions, ils sont d’une ténacité déplorable ; ils proclament, ils imposent leurs conclusions telles quelles, comme des dogmes. Un historien irrité est allé jusqu’à accuser les hommes de science des malheurs de la patrie vers la fin du siècle dernier.