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RELATION D’UNE ENTREVUE

nouvelles de M. Bogle, qu’ils avoient vu tous les deux, me firent observer combien il étoit heureux que le jeune Lama nous eût témoigné une attention particulière, s’étendirent sur la prédilection du dernier Lama pour les Anglois, et me contèrent que son successeur essayoit souvent de prononcer le mot English [Anglois]. J’applaudis à ce récit, dans l’espérance qu’ils fortifieroient sa prévention, à mesure qu’il croîtroit en âge ; et ils m’assurèrent que s’il avoit oublié le nom d’Hastings, lorsqu’il commenceroit à parler, ils lui enseigneroient de bonne heure à le redire.

Dans la matinée du 6, je me rendis encore auprès du Tichou Lama, pour lui offrir des curiosités que je lui avois apportées du Bengale. Une petite montre le frappa beaucoup. Il la fit tenir devant ses yeux, examina long-temps le mouvement de l’aiguille des minutes ; mais son admiration avoit quelque chose de grave, et ne se ressentoit point de son âge. Le cérémonial fut le même que la veille : le père et la mère étoient présens. Je restai environ une demi-heure ; après quoi je me retirai, avec l’intention de retourner prendre congé dans l’après-midi.

Déjà les adorateurs du Tichou Lama commençoient d’arriver en foule pour lui rendre hommage : on n’en admet cependant qu’un petit nombre en sa présence. Ils s’estiment heureux, pourvu qu’on le leur montre par une croisée, et qu’ils aient le temps de se prosterner le nombre de fois prescrit avant qu’il ait disparu. Ce jour-là une bande de Kilmaaks [Tatârs Kalmouks] vint présenter au Lama ses respects et ses offrandes. En revenant de son palais, je les aperçus debout à l’entrée de la place qui est vis-à-vis ; tous avoient la tête découverte, les mains jointes et élevées au niveau de leur visage. Ils passèrent plus d’une demi-heure dans cette attitude, les yeux fixés sur l’appartement du Lama, et leur physionomie exprimant l’inquiétude la plus vive. Enfin on le leur montra, à ce que j’imagine ; car ils élevèrent tout-à-coup leurs mains jointes au-dessus de leurs têtes, les ramenèrent au niveau de leur visage, les abaissèrent sur leur poitrine, et les séparèrent. Afin de se prosterner plus facilement, ils se laissèrent tomber sur leurs genoux, et frappèrent le sol de leurs fronts : cette cérémonie