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Page:Reclus - Étude sur les dunes, 1865.djvu/26

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Montaigne[1], écrivant au milieu du xvie siècle, dit que les envahissements des sables avaient lieu « depuis quelque temps ». D’ailleurs pourquoi les Landais donneraient-ils, comme les Espagnols, le nom de monts ou montagnes à leurs forêts, même à celles de la plaine, sinon parce que leurs collines de sable étaient autrefois uniformément couvertes d’arbres ?

Malheureusement toutes ces belles forêts qui protégeaient autrefois les pays bas du littoral maritime contre l’invasion des sables furent successivement détruites pendant les mauvais jours du moyen âge, soit par des envahisseurs barbares, soit par des seigneurs imprévoyants, soit par les paysans eux-mêmes. Encore au dernier siècle, le roi de Prusse, Frédéric Guillaume Ier, ayant grand besoin d’argent, fit abattre la forêt de pins qui s’étendait sans interruption sur les dunes de la Frische Nehrung, de Dantzick à Pillau. L’opération lui rapporta la somme de 200 000 écus ; mais les sables mouvants envahirent la grande baie intérieure, détruisirent les pêcheries, obstruèrent le chenal de navigation, ensevelirent les forteresses de défense et modifièrent de la manière la plus fâcheuse l’économie hydrographique de tous ces parages. En Hollande, en Bretagne, au sud de la Garonne, le déboisement du littoral a produit des résultats plus funestes encore. Sur les bords du lac Michigan, au cap Cod (Massachusetts), les défrichements de la plage ont aussi amené la formation de collines mouvantes[2]. Mais

  1. Essais, livre IV.
  2. March, Man and nature, p. 487.